La traversée
Après un vol de plus de 10 heures nous arrivons enfin sur l’île de la Réunion. Le climat change de celui de la métropole, il fait surtout plus lourd. Après avoir récupéré nos bagages, nous montons dans le bus qui va nous conduire sur le quai. L’excitation grandie au fur à mesure des minutes. Toutes les têtes regardent en direction du bord de mer pour apercevoir le port et le bateau. Depuis le temps que nous entendons parler du navire , il nous tarde d’y mettre le pied. La route devient presque longue lorsqu’enfin nous entrons dans l’espace portuaire. Mais nous devons encore attendre, le port est très grand… Finalement nous passons devant le navire furtivement avant de contourner les bâtiments et que le bus nous dépose au pied de la passerelle du Marion Dufresne. Après avoir signé le registre d’entrée, nous prenons nos clés de cabines. Elles sont plutôt sommaires, deux lits superposés, un petit bureau et un coin douche WC. Pour ma part, ma cabine est située sur le pont C, le pont habitable le plus bas. Il est 12h00 et l’appareillage est prévu pour 17h00. Le temps pour certain de visiter les alentours et pour d’autres (comme moi) de faire le tour du bateau. Ce bateau est vraiment unique. Il a été construit sur mesure pour assurer à la fois les missions de ravitaillement des différents districts, grâce à des volumes de stockage important, et aussi des missions océanographiques, grâce à une architecture et un équipement technique spécifique. Nous avons donc le temps de faire le tour du bateau au calme avant l’agitation de la mer. Il est vraiment difficile de le décrire complètement. Le navire possède 6 ponts plus la passerelle supérieure. Pour la vie à bord et pour accueillir jusqu’à 110 passagers, il dispose de tout le confort nécessaire (salle à manger, bar, salle de conf, etc…). De plus pour assurer le transport du fret du port jusqu’aux bases, il est équipé, en plus de ses cales immenses, de tout le matériel nécessaire au chargement et déchargement (grue, vedette, hélicoptère, etc…). Vous l’aurez compris ce bateau est fort apprécié. [Notre position (au moment de finaliser mon récit) est 40°05.782 S 52°38.329 E. La possibilité de vous envoyer cet article depuis cette position ajoutant encore une étoile à ce navire.]
Enfin 17h00, l’appareillage commence. Je m’imaginais alors que cela allait se passer comme dans les films, un marin hurle « larguez les amarres !» et pouf le bateau s’éloigne du port. En fait pas du tout. Les amarres sont bien larguées mais la procédure à suivre prend un peu de temps. Puis il faut remonter la passerelle. Là aussi la chose n’est pas simple puisque les marins doivent la démonter presque entièrement sans tomber entre le quai et le bateau, avant de la remonter à bord. Ayè le bateau s’écarte du quai, premier petit moment de joie car cette fois nous entamons notre dernière ligne, presque droite, avant de poser le pied sur l’île. La sortie du port se fait doucement, nous faisons signes aux quelques personnes restées sur le quai. Après que le bateau ait passé la jetée, nous assistons à un moment un peu sport : le pilote, qui a sorti le bateau du port, regagne un hors-bord grâce à une échelle de corde. A peine le temps de terminer cette action que le film continu lorsque nous voyons des dauphins accompagner notre sortie face au soleil couchant. Le tableau est parfait. Le bateau ne navigue pas à pleine allure car il nous manque encore deux passagers. Un vrombissement se fait entendre... après avoir contourné le navire pour un round de présentation l’hélico se pose sur la DZ, grande comme une terrasse de maison... (d’une petite maison) nous sommes au complet ! Pour ma part les réjouissances ne vont pas durer. Après le repas de 18h00, la mer, bien que calme, me secoue un peu trop. Elle aura raison de moi et je dois abandonner la partie de baby-foot pour aller prendre un « mer calme® » et aller me coucher...
Jusqu’ici la mer a été plutôt clémente. Les journées de navigations se ressemblent un peu toutes, elles sont notamment organisées autour d’exposés sur les TAAF et de formations diverses. Chaque matin c’est presque le même rituel, après le petit déjeuner il faut monter sur le pont supérieur afin de découvrirles oiseaux qui nous accompagnerons pour la journée. Aujourd’hui des pétrels à menton blanc, le lendemain des albatros à bec jaune. Mais toujours pas de mammifères…
Lors des premières nuits le ciel est plutôt dégagé. De plus la production de lumière par le Marion et les alentours est presque nulle, autant dire des conditions idéales pour un passionné. Bien que je ne connaisse absolument rien à l’astronomie, je me rends bien compte que se ne sont pas les étoiles que nous voyons habituellement. Elles sont très nombreuses et décrivent des formes nouvelles. Une bande blanche (sans doute la voie lactée) traverse cette colonie d’étoile et plonge vers l’horizon. A ce spectacle s’ajoute au passage quelques étoiles filantes. On pourrait presque s’endormir sur le pont. Oui presque car il ne faut pas oublier de s’amuser un peu aussi. Ce soir (lundi 8) le barman a décidé de laisser le bar ouvert « tant qu’il y aura des clients »... C’est la première vraie soirée festive à bord. Avec du recul je trouve la scène un peu surréaliste. On pourrait se croire dans un vulgaire pub Lyonnais en train de boire un (ou plusieurs) verres avec ses potes. A la différence près que nous ne sommes pas entassés comme des sardines dans une micro salle (les lyonnais comprendrons) et que nous sommes en plein milieux de l’océan Indien bercés par une légère houle qui nous pousse vers nos rêves...
Voilà, au moment où je termine ces quelques lignes (mardi 9 novembre vers 23h30) nous passons les 40èmes rugissants annonçant un petit durcicement des conditions. Information confirmée par le commandant et l’amplitude grandissante du roulis (de droite à gauche). Demain sera notre dernière journée de navigation, peut-être la moins facile physiquement mais la plus excitante psychologiquement. Il me tarde de voir ce caillou et d’y poser le pied. Si tout se passe bien se sera pour le 11 novembre en début d’après midi.
